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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 17:46

Je garde un souvenir ému de ma première année à la fac de droit, et en particulier de mon 1er cours de Relations Internationales. Ce dernier était assuré par celle qui allait être ma directrice de M2 plus tard dans mes études.

 

Je me rappelle tout de ce moment.

 

Ce que je portais : le combo fatal Jeans/Teeshirt/Converse. Qui était à mes côtés (ma binôme de la 6ème jusqu'en troisième année, qui est devenue notaire, depuis, et une autre copine). Ce que la prof portait (des cheveux noirs, une robe noire, et une énorme veste en fourrure noire). Et surtout ce qu'elle a dit.

 

Elle a ouvert la bouche et a dit ceci, au mot près : « Bonjour à tous, je vois que vous êtes tous serrés dans cet amphi. Je vous rassure, vous serez bien moins nombreux d'ici 2 mois, mais ça, d'autres avant moi ont dû vous le dire. Je voudrais faire un petit sondage : qui, parmi vous veut être juge ? - de nombreuses mains s'élèvent dans les airs – ooook... qui parmi vous veut être juge pour enfant ? - de nouvelles mains féminines s'élèvent dans les rangs - qui parmi vous veut devenir huissier ? - curieusement, moins de mains - Notaire ? - pas mal de mains en l'air - Commissaire de police ? - beau succès pour le commissaire – et avocat ? - là encore, une flopée de mains - .

 

Et à notre prof de nous asséner le coup de grâce « Bon, ben je vous rassure tous de suite, dans cet amphi précisément, et je ne dis pas ça pour vous casser le moral, je fais juste parler les statistiques, nous aurons, avec un petit peu de chance, peut être un demi-juge, un ou deux notaires, une demi-douzaine d'avocats et peut être un commissaire de police. Sur ce, au boulot !»

 

A ce moment précis, je n'ai pas pu m'empêcher de pouffer de rire, et d'admirer la froideur parfaite, mais ô combien réaliste de notre prof. Et puis, faut le dire ici, je rigolais de tous ces camarades qui se la jouaient déjà avocat au bout d'une semaine de cours, je me disais que de toutes les façons, je serai à St Cyr à la fin de mes études...

 

Que la vie peut être ironique, parfois...

 

La première rude nouvelle est tombée alors que j'étais en 2ème année.

 

Je suis myope depuis que je suis gamine. J'ai fait du sport de haut niveau durant une douzaine d'années, de mes 9ans, jusqu'à mes 21/22 ans. Un sport particulièrement traumatisant car me faisant subir de nombreux chocs et vibrations. Résultat, lors d'un contrôle de fond de l'oeil de routine, mon ophtalmo a découvert que mes 2 rétines étaient toutes trouées et que sans intervention, c'était décollement de rétine assuré. J'ai donc subi 2 interventions sur mes yeux, à un été d'intervalle, en L2 et L3, qui ont été affinées par du laser.

 

Rien de grave, tout s'est bien passé, mais au final, un gros questionnement...Est-ce que mes yeux allaient me permettre de quand même passer St Cyr ? Parce que toute ma vie, je n'ai cessé de penser que je finirais soit dans l'armée ou dans la police (j'imagine qu'inconsciemment, avoir de l'ADN militaro-policier n'a rien arrangé à la chose).

 

J'ai décidé, malgré tout de continuer mon cursus dans la voie que je voulais suivre, en me disant que je ne devais rien lâcher. J'ai donc fait un Master 1 en Régulations Internationales et Européennes et un Master 2 « Sécurité Internationale, Défense et Intelligence Economique ». C'est durant mon année de Master 2 que j'ai eu la confirmation de ce que je craignais... avec mes interventions chirurgicales sur les yeux, je ne passerai pas au test physique de St Cyr...

 

Très dur moment, clairement. Mais si le sport m'a appris une chose, et en particulier mon sport, c'est que quand on tombe, il faut toujours se relever et repartir.

 

C'est dans cette veine que je me suis dit qu'il fallait que je tente quelque chose de différent. J'ai donc postulé à un Master 2 en alternance en Gestion Internationale de Fortune, où j'ai été admise. Autant vous dire que le premier cours d'instruments financiers a été rude... J'avais arrêté les maths en terminale, et là, j'étais la seule juriste du master avec que des économistes... Alors une fois la première équation au tableau, j'ai fait une syncope.

 

Là encore, à force de persévérance, je m'en suis sortie, tant bien que mal, et j'ai eu mon Master. J'ai été gardée là où j'effectuais mon alternance, dans une banque monégasque, dans la cellule Conseil et Ingénierie, où nous faisions de la fiducie/off-shore.

 

J'aurais pu rester à Monaco, là où je touchais, en tant que jeune diplômée BAC+5 un salaire de 27k sur 14 mois et demi...J'aurais pu rester là bas, vu qu'on me proposait un CDI... Je suis restée là-bas 2 ans (10 mois en stage et 1 an en CDD) et le besoin s'est finalement fait ressentir de retourner vers quelque chose de plus juridique.

 

La décision fut dure à prendre...mais elle s'est imposée à moi. Il fallait que je termine mes études de droit, il me fallait quelque chose, c'était quasi organique.

 

J'ai terminé mon CDD le 30 Avril 2010, et j'ai attaqué les révisions le lendemain avec mon binôme, sans laquelle, je peux le dire sans aucun doute, je n'aurais très certainement pas pu réussir à avoir l'examen. Parce que si la vie d'un avocat est solitaire par nature, je crois que le travail en équipe précisément pour cet exam là a été particulièrement judicieux.

 

Et voilà, on y est. Tout cette digression du début avait deux buts : montrer qu'avec un parcours assez atypique, on peut réussir son examen, que tout n'est pas perdu si on n'a pas fait un cursus classique mais que dans pas mal de cas, ça m'a causé aussi pas mal de soucis (j'y reviens plus tard).

 

L'examen en lui même... du grand classique !

- Une note de synthèse de 5h sur un dossier juridique

- Une épreuve de droit des obligations combinée avec une épreuve de procédure (admin, civile ou pénale ; j'ai pris civil, je n'aurais pas dû)

- Une épreuve de spécialisation (j'avais pris droit patrimonial)

 

Ces choix quant aux spécialités et procédures sont primordiaux car selon les IEJ (instituts qui font passer les examens), les profs qui corrigent sont plus ou moins sévères sur les matières.

 

Première problématique que j'aimerais aborder : les prépas privées

 

J'ai fait une prépa privée. Je n'ai pas honte de le dire parce que je me la suis payée. Alors certains vont dire que c'est un avantage pour les élèves dont les parents peuvent payer, mais c'est une fausse excuse: j'ai bossé comme une dinguo pour pouvoir me payer tout ce que j'ai. Mes parents sont fonctionnaires, et ne gagnent pas grand-chose. Donc ceux qui se plaignent et disent que c'est trop cher et que seuls les riches peuvent se les payer, je leur dis que ce n'est pas forcément vrai.

 

Bref, j'ai fait une prépa, pas de façon assidue, je l'ai juste payée pour qu'ils m'envoient les cas pratiques et leurs corrigés ainsi que des fascicules de cours remis à jour, puisque j'avais concrètement arrêté de faire du droit depuis 2 ans.

 

Première grosse dépense, donc (quasiment 2000 Euros, j'avais pris la prépa premium plus plus grand luxe deluxe).

 

Deuxième grosse dépense : les codes.

 

Parce qu'évidemment, pour réviser l'exam de Septembre 2010, il faut acheter avant l'été tous les codes 2010 (civil, procédure civile pour les écrits et pénal, procédure pénale, admin pour les épreuves orales). Sauf qu'en septembre 2010, une semaine avant l'exam, sortent tous les nouveaux codes 2011. Donc rachat de tous les codes. Encore un gros gros poste de dépense pour ceux dont les parents ne peuvent pas assurer.

 

Faut préciser ici que j'ai toujours eu beaucoup de facilité dans les études. Pas que je veuille me la péter, hein, mais j'ai la chance d'avoir une mémoire de fou, ce qui me sauve de pas mal de grosses galères. Donc j'ai jamais trop forcé dans les études et suis toujours passée facilement dans mes années...

 

Sauf que là, pour la première fois, je m'y suis mise comme une forçat. Avec ma binôme, on a travaillé comme des folles du 1er Mai jusqu'à 2 jours de l'exam. On a travaillé tous les jours, de 8h à 20h, en se reposant juste de 13 à 14 pour déjeuner et se faire une microsieste.

On était devenues des machines de guerre. On a poussé le vice dans toutes les matières et on a fini par être incollables. Mais j'avoue que ce fut le pire été de ma vie. Enfermées H24, on se donnait rdv le matin à 7h30 pour aller marcher 30min sur la plage et après on s'enfermait comme des moines.

 

Ce fut dur, mais le sacrifice a été à la hauteur du résultat : on a eu les écrits toutes les deux.

 

Je suis quand même passée juste, à cause de la note de synthèse que j'ai allègrement foirée (alors que j'étais plutôt bonne à tous les entraînements). Dieu merci, j'ai cartonné la spé et les oblig.

 

Les oraux se passent, je cartonne mon grand O et l'anglais, même si je me foire encore allègrement en pénal à l'oral (j'étais une buse en pénal, et je le suis toujours, d'ailleurs).

 

Si je ne dois garder qu'une seule image de ces exams, c'est la sortie de ma salle de Grand-O, où j'étais tombée avec un jury coriace et une salle bondée... J'ai poussé la porte, j'ai vu mon binôme qui était passée le matin au Grand-O et qui m'attendait devant, et j'ai poussé un grand cri de soulagement. (faut savoir qu'à Nice, les Grands-O du CRFPA sont THE attraction de la fac, tout le monde vient y assister, que cela soit profs, thésards, jeunes L1 curieux). On s'est regardées, et on a souri, enfin, un vrai grand sourire de soulagement, parce qu'on savait toutes les deux qu'on avait bien réussi notre Grand-O et donc que sauf cataclysme, on aurait l'exam.

 

Si on croit que l'obtention du CRFPA est THE aboutissement et la fin du tunnel... QUE NENNI. Commence alors la vraie galère de l'élève-avocat, celle qui fait que j'avais envie d'écrire ce billet.   

 

Comme vous avez pu le voir, j'ai, encore une fois, débordé du cadre que je voulais m'imposer. 

 

Prochain billet : la formation de l'élève-avocat

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commentaires

J
Enfin du temps pour commenter :D Ton premier paragraphe m'a fait sourire, j'ai eu le même genre de discours pour le premier jour en fac d'histoire.<br /> Pour le reste je trouve ça assez triste qu'en France on ne soit pas en position d'égalité face aux études, parce que le fils à papa pété de tunes il n'a pas besoin de prendre un crédit, un petit<br /> boulot... Donc forcément quand on ne doit se concentrer que sur ses études c'est beaucoup plus facile.
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C
En réponse à ta réponse:<br /> <br /> Ça me soulage de lire ça. J'avais peur que les déplacements et les conditions de travail (à l’hôpital) n'aient été difficiles pour toi et c'est la dernière chose que j'aurais voulu.
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C
L'été 2010 n'a pas été fantastique pour moi non plus lol et ça ne t'a sans doute pas aidé...<br /> <br /> Super billet! C'est toujours intéressant de découvrir (ou redécouvrir) les parcours & les différentes formations, surtout qu'à part toi, je ne connais aucun (apprenti) avocat.
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C
<br /> <br /> merci TiCi...<br /> <br /> <br /> Je crois que paradoxalement, ce qui t'est arrivé cet été là m'a renforcée, en quelque sorte. je me devais d'y arriver. Et monter te voir, sans vraiment te voir m'a vraiment redonné de la force..<br /> donc