Je ne peux pas m'empêcher de réfléchir et d'y aller de mon petit billet sur Montauban et Toulouse.
Pourquoi revenir dessus? Pour de multiples raisons.
Tout d'abord, pour ne pas que oublier les morts. Les morts de Toulouse et les morts de Montauban.
Ce ne sont pas les communautés juives et militaires qui sont touchées, c'est la communauté française qui l'est.
Alors oui, ça fait un petit peu cliché de dire ça, mais il ne faut pas oublier qu'avant tout, ce sont des français qui ont été froidement et sauvagement abattus par un autre français.
Cest là que se posent les questions. C'est de cette réflexion là qu'il faut partir. Parce que malheureusement, certaines paroles, certains faits amènent à penser que nous ne sommes qu'à l'aube de problèmes bien plus graves, encore plus destructeurs.
Je travaille dans un internat, un internat de lycéens (donc plus trop des bébés) dans lequel nous accueillons des élèves qui viennent de ZEP, et chez nous, de tous les quartiers chauds de la ville. Nous avons chez nous, pour résumer, tous les jeunes "à potentiel" ou qui méritent une seconde chance. Je vous donne les faits: sur 40 élèves, ils sont à 95% musulmans. Là n'est pas le problème.
La majorité d'entre eux sont extrêmement bien élevés, très bien intégrés, et d'abord, pourquoi ne le seraient-ils pas? Ils sont majoritairement français, même si nous avons quelques binationaux (qui dans la bouche de certains politiques, prend une tournure amère, presque sale) et 2/3 nons-français.
Aucune d'elle ne porte un voile, elles se pomponnent des heures, parlent des garçons, adorent les dramas/acteurs coréens et passent leur vie sur Facebook. Des ados tout à fait normales.
Alors voilà, pourquoi est-ce que j'en rajoute des tartines pour dire que ce sont des ados normales? Parce que malgré tout ce qu'on peut en dire, pour beaucoup de gens, musulmans = une certaine idée rétrograde de la société. Une islamophobie pernicieuse s'est installée dans les mentalités, pas dans toutes, bien sûr, je grossis le trait volontairement.
Un de mes collègues est musulman, pratiquant en plus, mais il est parfaitement intégré, passe ses diplômes à la fac, a une petite-copine non-musulmane et il s'en fiche. Il veut juste pratiquer tranquilllement sa religion, dans le respect des autres. Mais voilà. Combien de fois j'ai assisté à des moments surréalistes durant lesquels on lui faisait des """blagues""" sur les arabes... Ce matin même, au petit-dej, encore une fois "ah t'es arabe, tu dois avoir 5 frères qui s'appelent moulour, rachid et kadher et des soeurs... naaaan, on riigooooole, ça vaaaa". Même sur le ton de la rigolade, il ne mérite pas qu'on lui balance des clichés à la figure. Personne ne mérite ça. Je lui ai dit en remontant que j'avais la haine pour lui et il m'a dit d'un air un peu enjoué(mais triste, je l'ai pris en flag) qu'il en avait l'habitude.
Le lycée où je bosse est typiquement un lycée "des beaux quartiers" donc mes petits de l'internat font un peu "tâche". Ils me racontent tous les jours les horreurs qu'on leur balance à la gueule dans les classes, et à quel point leurs petits camarades étaient racistes.
Arrivent les tueries.
Quand on leur a annoncé le matin que le tueur présumé était un fou intégriste musulman, première réaction unanime : la consternation, pure et simple, avec son cortège de "Lui, il va droit en enfer", "c'est pas un vrai musulman" ,"le Coran n'a jamais dit qu'il fallait tuer", "tuer des enfants, ya rien de pire" "à cause de ce gros connard, on va encore plus nous taper dessus et nous stigmatiser". Des réactions très saines, jsuis fière d'eux.
Certains (très minoritaires, genre 2-3) ont néanmoins été très borderlines, et c'est inquiétant pour l'état des "cerveaux" de nos futurs jeunes et dirigeants, donc... J'ai pu entendre pêle-mêle : "pourquoi on a fait une minute de silence, on n'en fait pas quand des enfants meurent en Palestine", "ouais, mais yen a qui aiment pas trop les juifs", etc etc etc...
Passée la phase de choc en entendant ce genre de propos sortir de jeunes pourtant pas complètement décérébrés, j'y suis allée de mon petit cours d'éducation civique et d'histoire, et elles ont bien sûr acquiescé à la fin et compris qu'il ne fallait surtout pas mélanger ce qui relevait d'évènements extérieurs et ce qui relevait d'un acte franco-français.
Le plus gros danger selon moi est le dépérissement de la réflexion, de la curiosité, et le renfermement dans des automatismes communautaires. Les filles, que j'observe depuis la rentrée, ne sont pas du tout ouvertes sur le monde dans la mesure où elles senferment dans des postures qui selon elles, doivent refléter leur "communauté" et leur religion.C 'est triste parce qu'en ne se cultivant pas, en n'essayant pas de comprendre l'Autre, elles n'avanceront jamais, et tous ces clivages et ces ressentiments latents finiront un jour par exploser au grand jour.
Les haines sont cultivées insidieusement dans le vase clos qu'est la Cité, tout autant que les haines sont cultivées insidieusement dans d'autres classes sociales.
Personne ne veut se connaître ou se comprendre, et tout ceci est bien entendu savamment orchestré, cultivé par les déclarations qui ne font qu'inciter au mieux au mépris, au pire à la haine entre les communautés.
Le truc, en fait, c'est qu'on est tous français. Si chacun est respectueux de la religion et des coutumes de chacun, tout se passera bien. La laïcité dans sa vraie et pure forme.
D'ici là, prions pour toutes les victimes de tous les obscurantismes. La France vaut mieux que ça. Nous valons mieux que ça.
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